À l’école Saint-Fidèle, dirigée alors par les Frères du Sacré-Cœur, les frères Martial et Aldée étaient responsables des Enfants de chœur de la paroisse.
Ils avaient la tâche de recruter, former et encadrer un groupe d’une vingtaine de jeunes qui deviendraient servants de messe le dimanche et les jours de semaine, ainsi que pour les cérémonies de mariage, les funérailles, les vêpres, et toutes les fêtes religieuses et les processions dont celle de la Fête-Dieu, l’événement par excellence dans toutes les paroisses de Québec.
Je n’étais pas plus bondieusard que les autres gamins de mon âge, mais être Enfant de chœur donnait un certain statut, faisait plaisir à ma mère et surtout, était payant… Enfin, dans ce temps-là! Servir une messe, c’était dix sous. Un mariage, 25 sous plus les pourboires souvent donnés par le père de la mariée. Pour les funérailles, c’était parfois 35 sous, allez savoir pourquoi! La messe de 6h15 était mieux rémunérée, mais le seul servant de messe devait aussi surveiller le chantre qui, si tôt le matin, faisait parfois un petit somme durant la cérémonie.
C’était donc un job d’étudiant au doux parfum d’encens, bercé par la divine musique des cantiques religieux. Le bonheur céleste!
Mais il fallait apprendre les prières et les répons en latin. Ça, c’était du travail, particulièrement mémoriser une longue prière, celle du Suscipiat:
SUSCIPIAT DOMINUS SACRIFICIUM DE MANIBUS TUIS, AD LAUDEM ET GLORIAM NOMINIS SUI, AD UTILITATEM QUOQUE NOSTRAM, TOTIUSQUE ECCLESIAE SUAE SANCTAE.»
Plus de 60 ans plus tard, je m’en souviens encore. J’ai tellement bûché pour l’apprendre!
La hiérarchie chez les Enfants de chœur
Les Enfants de chœur n’étaient pas tous égaux. En haut de la pyramide trônait le Cérémoniaire. Son rôle était de gérer le bon déroulement d’un office religieux. Nous rêvions tous d’obtenir ce rang. Suivait le Thuriféraire, qui s’occupait de l’encensoir (un encensoir est un vase brûle-encens fabriqué généralement en métal) avant et pendant la messe. Puis, les acolytes: leur rôle était de servir plus directement à l’autel. Enfin venaient les porte-cierges et les porte-croix.
Vêtements liturgiques
Les religieuses avaient pour tâche de préparer les soutanes et les surplis, vêtement blanc en coton porté par-dessus la soutane, qui devaient toujours être bien repassés. Le dimanche, nous avions chacun nos vêtements liturgiques dans un casier identifié à notre nom. Ils étaient à notre taille, toujours impeccables. La soutane était noire, sauf pour les grandes occasions comme la fête de Pâques alors que nous portions une soutane rouge.
Pour les messes en semaine, c’était différent. Il y avait un casier commun et seulement trois soutanes: une grande, une moyenne et une petite. Celui qui arrivait le premier à l’église avait donc le choix. Malheureusement, je me suis souvent retrouvé à porter une très longue soutane, ce qui amusait beaucoup l’autre servant de messe qui aimait me voir trébucher avec ce vêtement trop grand pour moi.
Pas toujours des «enfants de chœur»
Il y a une belle expression, «Il n’était pas un enfant de chœur», utilisée pour qualifier les comportements turbulents, voire délinquants, de quelqu’un. Eh bien, nous n’étions pas des enfants de chœur, loin de là…
Nous aimions jouer des tours, vider les burettes qui contenaient des restes de vin de messe, provoquer des fous rires incontrôlables lors des services funèbres, et même parfois flirter avec les filles qui venaient communier. Le célébrant était accompagné d’un servant de messe pour la communion des fidèles. Mon truc préféré était de coller la patène, sorte de plateau rond en métal, sous le menton d’une demoiselle qui me plaisait et de lui faire un clin d’œil, au grand déplaisir du vicaire qui distribuait les saintes hosties. Ô sacrilège! J’essayais d’être discret, mais peine perdue.
Enfant de chœur, ou servant d’autel comme on dit en France. Une belle activité pour les jeunes de l’époque catholique au Québec. On gagnait quelques sous et surtout des indulgences, sorte de REER pour notre salut qui nous permettra d’aller directement au paradis… du moins, je l’espère!
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